L’esprit de partage à l’haïtienne

La générosité est un trait caractéristique des Haitiens. Dans toute leur histoire, ils en ont fait preuve. Par exemple, dans les années 1806 à 1830, solidaires de leurs voisins latino-américains dans leurs luttes pour l’indépendance, ils les ont aidé subtantiellement. En ville comme à la campagne, le partage de nourriture dans le voisinage tisse et entretient le vivre-ensemble communautaire en Haïti.

On est à Cajouron, une petite localité de Saint-Raphaël, non loin du centre-ville. Ephanie, une dame dans la soixantaine exprime la fierté que représente pour elle la vie à la campagne. « Dans mon voisinage, à Cajouron, j’éprouve une immense fierté de me  lever  chaque jour et de savoir que la journée ne sera pas perturbée comme dans les villes »,  raconte-t-elle.

Se réjouissant de la vie campagnarde qu’elle vit depuis sa tendre enfance, la sexagénaire révèle son plus grand plaisir. « Ce qui me plait le plus, c’est quand, certains matins, on se réveille sans rien, vraiment sans un sou ni rien à manger mais sans s’inquiéter pour autant. Car, pendant la journée, sans surprise, on recoit jusqu’à quatre repas des voisins . Telle est notre réalité dans ce coin de terre. Nous cultivons bien l’esprit de partage dans notre voisinage », se satisfait  la dame.

Un autre fait intéressant, c’est le respect mutuel cultivé entre les riverains, souligne un observateur. Roger, un pharmacien résidant de la capitale, de passage dans le nord du pays pour ses activités commerciales, s’en félicite et dit garder à jamais le souvenir de ses expériences campagnardes. « J’ai observé avec admiration le vivre-ensemble pratiqué dans les régions les plus reculées du paysDe passage dans le Nord, en 2018, j’ai été hébergé et bien entretenu sans rien dépenser dans la localité de Cajouron, alors que le bus qui nous transportait était tombé en panne. Et comme, il était tard, il fallait passer la nuit quelque part. Ce jour-là m’a particulièrement marqué », confesse-t-il.

Partageant également son expérience, Romario Gérard, étudiant finissant en sociologie à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’Etat d’Haïti, originaire de la province, dit chérir la cohabitation sociale qui prévaut dans sa ville natale de Grande Rivière. « Le problème de l’un est celui de l’autre. Ils sont  tous des commères et compères. Ils élèvent ensemble leurs enfants. Le plus important encore, c’est qu’ils se partagent tout, des denrées agricoles, des repas, des légumes, des fruits, etc. », s’enorgeuillit-il.

Dans son travail intulé “Les valeurs du vivre-ensemble sont-elles encore d’actualité?“, Alice Pérard observe : «Qu’on le veuille ou non, nous sommes soumis à une obligation de cohabitation. Il est dans notre intérêt à tous que cette cohabitation se vive de manière harmonieuse et non conflictuelle. Dans ce sens, composons avec les autres afin de vivre ensemble, heureux et épanouis, dans la défense de valeurs partagées pour un mieux-être collectif et individuel ».

Clashisky D. LAROSE

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