
Evelyne Trouillot, Edwidge Danticat,Roxane Gay, Kettly Mars
S’il existe en littérature des thèmes de prédilection, des thèmes consacrés, l’éternel féminin demeure un thème jamais égalé. Muse, sujet, objet, les personnages féminins souvent cantonnés dans des rôles secondaires ont grandement évolué avec le temps.
Présenté dans des archétypes conservateurs et traditionnels, le personnage féminin est souvent : dévoué, parfait, dédié à son homme. Soigneusement entretenue par la littérature haïtienne depuis des décennies, les mythes les plus divers ont constitué à maintenir la femme dans une forme de dépendance. Une alternative principale leur est souvent attribuée : être infâme ou être esclave.
De rôles réducteurs…
Dans la littérature haïtienne, des premières écoles à la Génération de la Ronde, les personnages féminins étaient campés et chosifiés dans des rôles de femme au foyer, objet d’assouvissement sexuel et de tous les caprices. Une femme parfaite dans tout ce qu’on attendait d’elle et n’aspirant qu’à peu.
Dans le roman Éliezer la famille des Pitit-caille de Justin Lhérisson, le personnage Velléda, femme d’Éliezer n’a d’autre destinée que celle de vivre sous le couperet de son mari. Une femme passive, enfermée dans son foyer, vivant dans une dépendance totale à son homme. Superficielle comme elle seule. L’histoire de ce personnage se scelle par la tragédie.
Encore avec Zoune chez sa ninnaine, la femme galère a trouvé ses marques. Condamnée au silence, le personnage de Zoune, la domestique qui n’avait rien se voit orientée vers une destinée qui n’est pas sienne. Effacée de l’histoire parce qu’elle se serait défendue contre le mari de sa marraine, le général Cadet Jacques qui l’agressait sexuellement et tentait de la violer.
À des rôles plus valorisants
De la Génération de la Ronde à l’époque contemporaine, les personnages féminins sont placés dans des rôles plus valorisants. La femme s’émancipe de plus en plus alternant des rôles qui la place tantôt en position de pouvoir et tantôt en position de faiblesse. Même quand, les stéréotypes sexuels demeurent encore, la femme s’approprie de plus en plus de sa sexualité. Plus ambivalente, elle parfois désir et possession, parfois caprice et pouvoir.
.Anayiz, dans « Gouverneurs de la Rosée » de Jacques Roumain se confond entre les deux, tantôt en prise à ses propres passions, tantôt doutant de ses capacités l’empêchant d’accéder à son plein potentiel. Cependant, sa plus grande force transparait dans sa grande capacité de persuasion sur son compagnon Manuel laquelle allait le pousser à accomplir l’acte salvateur de ramener l’eau à sa terre natale Fond-rouge
La madame Sorel dans « Claire de mambo » de Gary Victor, bien campée dans son rôle de mambo puissante, lui permettant d’occuper une position de pouvoir. Crainte et très respectée, elle se caractérise par l’intelligence et la compétence. Elle réussit ses plans et atteint ses objectifs. L’image de l’homme dans Clair de Manbo semble moins importante que la femme.
« Dans la maison du père » de Yanick Lahens, Alice est un personnage émancipé qui s’est battu pour échapper à sa classe sociale. Fort de son caractère, elle est parvenue à se déjouer des mœurs de sa classe, de ses petitesses et de sa fureur, qui la rattrapent malgré elle mais dont elle fait fi pour vivre une vie libre.
Une femme plus indépendante aujourd’hui
Dans la littérature contemporaine, non seulement les rôles des femmes se valorisent mais aussi les femmes écrivent de plus en plus. Les écrivaines osent ce qui n’a jamais été osé avant. Elles assument leur sexualité et s’approprie leur pouvoir sur l’homme et sur leur destin. Dans « Cool Club » de Kettly Mars, les personnages féminins brisent les tabous en courtisant l’objet de leur flamme. « L’homme au sexe de fer » de Martine Fidèle met en scène la femme totalement émancipée qui exprime ses désirs et vit ses fantasmes.
Constituant une vérité liée à une époque, les textes littéraires présentent en même temps, l’image et le statut de la femme en société. Une évolution portée par l’émergence des nouvelles idées libérales en Haïti, où le féminisme a joué un rôle majeur en même temps qu’il a contribué à l’amélioration des conditions sociales des femmes. Aussi donc, l’image de la femme change dans le monde fictif.
Dayanne CODIO