Le rara d’Haïti, en voie de disparition

Le rara est une manifestation culturelle en Haïti très prisée à Léogane et dans l’Artibonite son bastion traditionnel. Sous l’effet de la modernité, aujourd’hui il perd de plus en plus son essence. Certains vont jusqu’à dire qu’il tend à disparaitre.

Souvent, envahi par les cultes  déformés provenant des exigences des sponsors ou des entreprises, le rara, pratique culturelle populaire perd de son essence. Cependant, il arrive à survivre grâce à son lien très serré avec le vaudou. Pour Ti-Jean, major-jonc du rara tet pyan  de zoranje à  Léogane, le rara continue d’exister grâce aux songes des loas  et aux boules de borlette (« chiffres de chance » ) servant à financer les sorties de la bande.

Le rara, puissant symbolisme identitaire se situe actuellement  presque au carrefour de l’oubli, si ce n’est la constante présence des bandes à pied (bann apye) constatée lors de la période  carnavalesque au Champ-de-mars et du rendez-vous annuel à Leogane. La majorité des groupes de rara et des jazz jouant ce rythme musical ont pratiquement disparu  du radar de la musique haïtienne, à ce titre : Manbo zila du Canapé-vert, Raram no limit, Bouhaha, etc.

En effet, pour la génération née après les années 2000, le rara jadis musique libératrice de la mémoire ancestrale servant à  expier la souffrance et les peines de ceux-ci, ne représente aujourd’hui  qu’un évènement  vague. À côté de la tradition qui déjà  peine à perdurer, la dévalorisation se fait grandement ressentir par les nouvelles générations. L’investissement de l’espace urbain par les bandes se produit de moins en moins.

« Le rara ne me dit rien. Si ce n’est qu’un groupe de va-nu-pieds des zones rurales dansant et chantant au rythme de leurs rêves brisés », nous explique Camelle, âgée de 19 ans, fraichement diplômée de la philo.

Dans l’univers des orchestres de rues

Entre l’harmonie des instruments, la vivacité des couleurs, la beauté des déguisements, le rara invite généralement au déhanchement, à l’oubli de soi, au réconfort et à la détente. Intimement liés au vodou, les groupes de rara en règle générale sont tenus de respecter des rituels à chaque sortie, une route symbolique qui permet d’assurer leur protection face aux rivalités qui pourraient éventuellement subvenir avec d’autres groupes de rara et attirer les chances de toutes sortes.

Le vèvè, le fwote beny et les liminasyon (des composantes du rituel)  sont les premiers éléments qui interviennent lors du rituel correspondant à l’invocation  d’un loa ou esprit.

Les mythes liés au rara  se construisent autour des différentes sociétés secrètes et de grands noms comme Shango avec lesquels il se confond fort souvent. Si certains instruments utilisés par les deux sont identiques comme le lambi, un groupe de rara n’est pas une société secrète. Toutefois, les membres d’un groupe de rara peuvent être des adhérents de certaines sociétés secrètes. Ainsi, la société des sanpwèl, zobop, vlengendeng ou bizango font corps avec les bandes de rara. Ce qui justifie des transformations ou mutations des membres de la bande.

Les instruments du rara

L’histoire nous rapporte que les premiers instruments utilisés par les esclaves étaient les mains et les pieds. Avec le temps, le fouet zombi ou fwèt kach, le mannouba, le vaksen, le lambi, l’ogan, le graj le ti-gambos, le tchatcha et la flûte ont vite remplacé les premières pratiques.

Aujourd’hui, le rara a intégré dans son orchestration des instruments occidentaux : la cymbale, le gong, le saxophone, le trombone, le baryton et l’hélicon se sont ajoutés au paysage.

Si les tendances contemporaines tendent à déformer la tendance ou à la rendre invisible, le rara est un patrimoine culturel à sauvegarder et à valoriser.

Dayanne CODIO

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