
Première république noire du monde, Haïti s’est retrouvée isolé après son indépendance à cause des pressions et trafics d’influence exercés par la France qui voulait récupérer sa colonie.
De colonie française à pays libre et indépendant en 1804, la République d’Haïti, première nation noire du monde a eu beaucoup de mal à faire accepter son indépendance sur la scène internationale. Sa naissance brusque et inattendue lui aura valu une mise en quarantaine pendant plusieurs décennies sous pression de la France qui lui revendiquait “sa colonie rebelle” tel que le rapportent les historiens.
Alors que personne ne s’y attendait, Haïti a livré bataille contre la puissante métropole de France, signa son acte de naissance en 1804 sur l’échiquier politique international, comme pays libre, souverain et indépendant, le premier du continent américain, derrière les États-Unis. L’historien Wien Weibert Arthus qui étudie cette page d’histoire, rapporte que les premiers dirigeants haïtiens ont eu du mal à se faire des alliés sur la scène internationale, au lendemain de cette indépendance. Il iimpute la responsabilité à la France.
Selon l’historien, cette mise à l’écart était fomentée par la France, ancienne métropole, qui revendiquait la jeune République, une colonie rebelle. Ce n’est que jusque dans les périodes 1825 et 1838 que des négociations allaient être entamées en vue de la reconnaissance et de l’acceptation de l’indépendance du pays.
Haïti rejetée par les siens
Cette mise à l’écart qui pesait lourd sur Haïti, a été constaté jusqu’au sein des pays indépendants de la Grande Colombie que les dirigeants haïtiens, dont Dessalines, Pétion ont fourni support pour l’acquisition de leur indépendance. Ces derniers n’ont pas eu de relations diplomatiques avec Haïti. Qui pis est, ils ont écarté la République d’Haïti lors du Congrès de Panama réalisé en juillet 1826 avec pour objectif de jeter les bases d’une coopération entre les pays libres de la région, nous informe l’auteur.
Simon Bolivar qui considérait ce pays comme «l’asile de tous les républicains», à la tête de cette grande initiative diplomatique n’avait pas jugé bon d’associer la République d’Haïti à ce projet, à travers lequel « il souhaitait non seulement créer une confédération des républiques hispanophones mais aussi inciter l’ensemble des nations indépendantes du Nouveau Monde, dont l’Argentine, le Brésil et les États- Unis, à réfléchir sur la possibilité d’établir une collaboration républicaine et d’adopter une position commune en terme de défense de la liberté dans les Amériques », fait remarquer le diplomate haïtien, Wien W. Arthus.
Quand le racisme sert de cause à l’ostracisme envers Haïti
La raison ,selon James A. Pradgett cité par l’historien Arthus, des « membres du Congrès [américain] étaient vigoureusement opposés à ce que les États-Unis envoient des délégués participer à n’importe quelle réunion où des Noirs s’assiéraient avec des Blancs ou qui reconnaitrait aucune nation où des Noirs occupent des hautes fonctions dans l’État et dans l’armée ».
Dans son article <<La politique étrangère des Pères fondateurs de la nation haïtienne », paru dans Monde et Société, Arthus écrit: « En plus de l’antagonisme des États- Unis, les nouvelles nations de l’Amérique du Sud qui cherchaient à se tailler une place dans le système international ne voulaient pas déplaire à la France qui se déclarait ennemie de toute nation qui reconnaitrait l’indépendance de sa « colonie rebelle ».
L’indépendance haïtienne: une menace pour les autres colonies non libres
Cette indépendance soudaine et inattendue a été également l’objet d’une perception négative de la part des puissances colonisatrices de l’époque dont l’Espagne, l’Angleterre et la France. Selon la trilogie de l’historien afro-américain, Reyford W. Logan, reprise par Wien W. Arthus, l’indépendance d’Haïti fut considérée comme une anomalie, une menace et un défi.
L’historien Arthus avance que pendant plus d’un siècle l’indépendance d’Haïti a constitué une anomalie. L’esclavage et la colonisation des peuples ont perduré sur le continent américain jusque dans les années 1900. Dans la colonie espagnole de Cuba, l’esclavage n’a été abolie qu’en 1886, sur le territoire du Brésil, le géant sud-américain en 1888 et chez certains voisins d’Haïti des Caraïbes, en 1960.
Selon l’auteur, l’indépendance nationale d’Haïti a tout aussi constitué une menace pour les autres pays qui pratiquaient encore l’esclavage au lendemain de 1804. « Du fait même de sa création par des anciens esclaves et de l’idéal qu’elle a projeté dans les imaginaires notamment au début du 19ème siècle, la première République noire a été considérée comme une menace pour les négriers et les racistes ; un ‘mauvais exemple’ pour le système politico-économique international établi sur la colonisation et l’esclavage>>, a-t-il pris le soin de démontrer.
L’actuel ambassadeur d’Haïti au Canada présente le défi auquel Haïti faisait face, à un double point de vue. Il s’agit pour elle de définir sa politique intérieure, c’est-à-dire de pouvoir s’auto-organiser, et, de s’insérer dans le système international avec son statut de peuple noir libre et indépendant, établissant des relations diplomatiques et commerciales avec les autres pays du monde. Autrement dit, faire reconnaitre et accepter son indépendance, poursuit l’écrivain.
Clashisky D LAROSE
Source : La politique étrangère des Pères fondateurs de la nation haïtienne ,paru dans Monde et Société, Weibert Wien Arthus