
En passe de devenir dans six ans le pays le plus peuplé au monde devant la Chine, l’Inde entreprend une vaste campagne de réduction de sa population. Stérilisation, primes à la naissance, sanctions aux familles de plus de deux enfants, le pays renforce sa législation pour contrôler la naissance.
La Chambre basse du Parlement, le Lok Sabha, a examiné pas moins de “quatre propositions de lois émanant des députés de la droite nationaliste hindoue, au pouvoir, ce vendredi 23 juillet 2021, en vue de”contrôler les naissances en Inde. Cette campagne de lutte contre la croissance démographique vise à limiter la natalité à deux enfants par famille et toutes celles qui auraient envisagé un troisième enfant seront passibles de sanctions. Celle-ci vient renforcer la campagne de stérilisation forcée orchestrée par le fils d’Indira Gandhi, initiée depuis 1976.
“Tout parent qui aura plus de deux enfants ne pourra plus être fonctionnaire, se présenter aux élections régionales ni bénéficier des aides publiques”, stipulent les clauses de cette initiative poursuivie par le gouvernement de l’Uttar Pradesh, l’Etat le plus peuplé de l’Inde, pour réduire la croissance de sa population. Cependant à un niveau global les élus à l’origine de cette initiative jugent nécessaire “d’encourager et de promouvoir le planning familial, afin de s’assurer que la population est en cohérence avec les ressources et le développement de la nation indienne.
Selon les informations rapportées par The Indian Express, cette mesure, remise sur la table, la semaine dernière s’inscrit dans la perspective de réduire la pression démocratique qui menace le pays de dépasser son voisin immédiat, la Chine avant 2030. Actuellement la population indienne vient de franchir le seuil de 1.400.736.602 d’habitants sur une surface de 3.287.259 km2, soit plus de 420 habitants par km2 d’après Country Metters.
En dépit de tout, l’Union Indienne, un État fédéral composé de près de 28 États et de territoires dont chacun dispose du pouvoir d’adopter ses propres lois dans certains domaines, ne cesse d’accroître. Un rapport rendu public par New Delhi l’an dernier avance une estimation de 1% la croissance démographique annuelle du pays, contre l’évaluation du Bureau National de Statistiques (BNS) à 0.53% pour la Chine qui connaît un ralentissement de la croissance démographique depuis cette dernière décennie.
Toutefois, la Chine demeure, aujourd’hui encore, le pays le plus peuplé de la planète avec une population estimée par PopulationPyramid.net à1.448.322.378 habitants. En passe d’être dépassé par son voisin indien, plus exactement en 2028, d’après les dernières études.
Un sévère arsenal législatif discriminatoire
Le journal indien qui analysait l’ambition parlementaire, a réalisé que les instigateurs eux-mêmes ont plus de deux enfants. Certains vont jusqu’à en avoir sept. Et la moyenne d’enfants pour ces parlementaires avoisinerait quatre.
D’après les critiques de Libération, ces propositions de lois consisteraient en une mesure draconienne qui risque de pénaliser les plus pauvres et de nourrir la rhétorique islamophobe des nationalistes hindous au pouvoir. Bien qu’étant minoritaires en Inde, les musulmans seront probablement majoritairement dans le monde et le bastion sera, probablement, l’Inde d’ici 2050, selon les dernières prévisions.
Le dividende démographique: un probable recours pour l’Union Indienne
Jean Raphaël Chaponnière qui écrivait “L’Inde profitera-t-elle du dividende démographique ?’ ;, en 2015 sur “Asialyst” croit à l’affirmative que le dépassement démographique auquel l’Inde est exposé face à la Chine peut lui être bénéfique.
Car, d’ici une dizaine d’années, disait-il, “au sein de l’Union indienne, les populations des États du Sud et de l’Ouest auront commencé à vieillir, tandis que celles du Nord resteront jeunes.” Et de fait, les autorités indiennes pourraient exploiter cette frange de la population pour stimuler l’économie du pays par la création d’emplois productifs. Dans l’esprit de Ester Boserup, avait-il écrit, « la croissance démographique est un facteur de développement. Elle inciterait les paysans à intensifier l’agriculture ».
Selon le rédacteur, la transition démographique liée à la transformation de la pyramide des âges prônée par les démographes d’aujourd’hui est profitable à l’Inde. « La transition démographique a été une période de forte croissance dans les pays d’Asie de l’Est. Cela n’a rien de mécanique. Il faut en effet que l’économie crée des emplois productifs. Cela avait été le cas en Corée, à Taïwan et en Chine où la transition démographique a fort heureusement coïncidé avec la mise en œuvre de stratégies industrielles créatrices d’emplois ; le « dividende démographique » aurait ajouté entre 1 et 2 points à la croissance de ces pays », raconte t-il.
Catherine Bros de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) émet certaines réserves quant à cela dans “Inde : vers un cauchemar démographique lorsqu’elle a écrit en février de l’année antérieure : <<Pour que la transition démographique produise du dividende, il faut que le marché du travail soit en mesure d’absorber les nouveaux entrants.>> Selon elle, deux difficultés se posent : un système éducatif inadapté et une croissance démographique qui tend vers un chômage massif.
Clashisky D LAROSE