
” Je ne sais rien, père ni mère
Fille du jour ou de la nuit
L’être heureux, c’est l’être éphémère
Mourant jeune, il meurt sans ennui
Pourtant, vienne la catastrophe
Ou me dissipe un bec d’oiseau
Le poète dans une strophe
Éternise la goutte d’eau “
(Cendres et flammes)
Des vers écrits par Edmond Laforest, l’une des nombreuses victimes de la première occupation américaine de la République d’Haïti de 1915 à 1934. À la date de la mort du Père de la Nation, Jean-Jacques Dessalines, cet écrivain haïtien de la Génération de la ronde s’est suicidé pour marquer sa condamnation de la violation du sol sacré de ses ancêtres.
Refusant d’abdiquer son pouvoir créateur sous les bottes de l’occupant, l’écrivain haïtien Edmond Laforest il y a 106 ans répliquait à l’occupation américaine par le suicide. Acte de folie, démence ou reflet d’un miroir d’une société impuissante face à son sort ?
Si Charlemagne Péralte est le nom qui revient quand il faut évoquer l’occupation américaine, Edmond Laforest n’en est pas resté moins inconscient face à la dénonciation de l’horreur. Figure marginalisée, avec des écrits peu exploités, il demeure un personnage difficile à camper dans toute sa complexité.
Ce patriote souvent écarté par l’histoire s’est donné la mort contre la violation du sol sacré de ses ancêtres. Natif de Jérémie, il était journaliste, professeur de langues et des mathématiques.
Le fin lettré dont le parcours est particulièrement évocateur, semble-t-il dans un élan de patriotisme, a voulu mourir symboliquement le même jour que l’empereur Jean Jacques 1er, un 17 octobre. Né un 20 juin 1876, le directeur de journaux ignorait que son destin serait lié à celui de Jean Jacques Dessalines.
Voyage dans l’au-delà avec les mots contre la résignation de vivre avec les maux
« Par cet acte, il a prouvé que la traversée d’un monde à un autre répond à une cadence naturelle, si la cause est juste, peu importe. Exceptionnel, extrêmement renversant il marque le monde littéraire laissant un modèle pour les générations futures de ce que devrait représenter un intellectuel dans un pays’ », explique fièrement Diego Alexandre, professeur de littérature. « Pure folie, digne d’une scène hollywoodienne, la résistance intellectuelle devrait se battre au lieu de choisir la lâcheté », considère Charles Henry Louis, slameur et écrivain en herbe.
Les opinions des générations divergent quant à la valeur de l’acte d’Edmond Laforest. Poète maudit pour la génération contemporaine qui connait de très peu son histoire, le romancier de la Génération de la ronde se trouve entre l’alternance de l’insolite et le curieux. Personnage mythique et légendaire, Edmond Laforest reste une étincelle au destin funeste.
Dayanne CODIO