Des comptines pour renouveler l’enfance en Haïti

Mémoire d’une culture à préserver et des traditions à transmettre de génération en génération, les comptines se diluent de plus en plus dans la modernité au risque de disparaitre totalement en Haïti.

Les comptines d’Haïti, constituant une immense variété de paroles et de rythmes traditionnels, ont façonné la cadence enfantine de plus d’un. Elles sont aujourd’hui une tranche d’histoire qui tend à disparaitre.

Issus du patrimoine oral, les comptines ont fait un long voyage à travers le temps et les âges. Cependant, modernité oblige, se raréfient avec la génération actuelle. Si Tonton Bouki a su se frayer un passage dans la modernité, d’autres comptines sont recréées ou ont totalement disparu.

Une fenêtre dans le passé haïtien le plus profond

Que nous les utilisons ou pas, les comptines vivent en nous. Des plus douces aux plus rythmées, ce sont des formulettes qui sont gravées en nous et représentent un important vecteur de sentiments et de transmission d’émotions. Qui ne se rappelle ces après-midis du mois de mai où des enfants en errance chantaient la joie d’une vie insouciante aux couleurs des saisons.

 Lapli tonbe, tonbe map baw bonbon (bis). Ou encore les chaussures trop serrées qu’on portait pour les fêtes pascales qui ouvrent la période des cerfs-volants. Mabouya rele van rele van si w pa rele van map koupe ke w (bis).

« Je n’ai jamais oublié, comment oublier ? De si bons moments de mon enfance qui charrient tellement d’histoires et l’innocence de toute une époque », nous explique Patrick, les yeux embués de larmes.

« Chacune de ses chansons ont pour moi une odeur, des couleurs. Je revois encore la vieille casserole de grand-mère, le voisinage qui nous menaçait d’appeler nos parents à cause du bruit. J’ai laissé Haïti après le séisme mais quand j’entends ces chansons, je me rappelle que mon cœur se trouve là-bas, à des milliers de kilomètres du Canada. Mes premières amitiés, mon premier amour », confie Suzie nostalgique.

Une perte culturelle indéniable

Derrière leur apparence tranquille, les comptines présentent un tableau général de la culture haïtienne. Ces petits mots sauvages tissés à coup de spéculations prennent tout leur sens, quand on sait que la culture doit se transmettre de génération en génération pour être stable dans le temps. Les enfants sont les piliers sur lesquels la culture peut s’appuyer pour accomplir cette tâche.

Pour Sheila, licenciée en psychologie éducative, la transmission en Haïti aujourd’hui ne tient qu’à un fil. Le manque de mémoire ou la mort peuvent casser l’un des fils mais sans trop endommager la conservation culturelle.

Seule une transmission d’enfants à enfants assurera la stabilité culturelle par la fidélité et une mémoire intacte, poursuit-elle.

Bien que ringardisés par la modernité, les comptines sont enracinées, infusées. L’artiste Ayiiti avec une chute originale et une adoption moderne fait revivre certaines comptines dans son tube zeptima.

Dayanne CODIO

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