
Les problèmes qui nécessitent l’intervention de l’État doivent être mis à l’agenda politique gouvernemental. La mise à l’agenda constitue un impératif et passe par plusieurs étapes aboutissant à faire passer le problème de la situation privée à un problème public.
Beaucoup de problèmes sociaux sont restés irrésolus en Haïti car ils ne font pas l’objet de politiques publiques, affirment certains experts. Une politique publique est « un ensemble d’actions et de décisions que prennent les pouvoirs publics dans le but de résoudre un problème ». Toutefois, pour qu’un problème puisse faire l’objet d’une politique publique, l’une des étapes les plus importantes est sa mise à l’agenda politique gouvernementale.
L’agenda politique est l’ensemble des problèmes qui sont considérés comme prioritaires par les autorités politiques et administratives. Les analystes politiques soutiennent que l’inscription d’un sujet ou d’un problème à l’agenda politique signifie que « celui-ci est bien pris en compte et qu’il va faire l’objet d’un traitement spécifique pouvant déboucher sur la prise d’une ou plusieurs décisions de la part du gouvernement, du pouvoir législatif, de l’administration, de toute autorité publique ou politique ». Toutefois, le nombre de problèmes pouvant être inscrit dans ces agendas sont excessivement limités.
Rendre son problème important aux yeux des autorités
Plusieurs étapes sont parfois nécessaires pour rendre un problème prioritaire aux yeux des autorités. Les promoteurs d’un problème public doivent suivre un long chemin afin de le construire. Le problème doit d’abord passer de sa situation privée à un problème social, ensuite à un problème public. À chacune de ces étapes, des obstacles et des dérives sont possibles et peuvent empêcher le problème d’atteindre l’agenda.
D’une situation privée problématique à un problème social
À cette étape, on essaie de montrer qu’un problème ne concerne pas seulement une personne mais toute une communauté. « Généralement, on part d’une situation privée qui est jugée problématique et on va essayer de dire que la situation qui touche beaucoup de personnes dans leur sphère privée et parfois même dans leur intégrité physique. Cela n’est pas purement un problème qui touche le secteur privé mais c’est certainement un problème plus large, un problème dit ‘’collectif ‘’, un problème dit ‘’ sociétal ‘’ ».
Certains experts avancent qu’à cette étape, « il faut essayer d’articuler ce premier lien qui est de dire que la situation qui affecte ces personnes n’est pas un problème privé mais c’est un problème collectif ou un problème social ».
La barrière est généralement très élevée à cette étape, « c’est la plus élevée que l’on observe dans tout le processus de construction d’un problème », disent des experts. « Le principal obstacle ici est simplement la non-reconnaissance sociale du problème, il n’y a pas de mobilisation à titre individuel, il n’y a pas d’acteurs associatifs qui portent le problème permettant de lui donner une certaine résonance, parlant au nom des gens qui souffrent de ce problème », ajoutent-t-ils.
D’un problème social à un problème public
À cette étape, on essaie de faire reconnaître le problème social comme un problème public. C’est-à-dire un problème qui « devrait être résolu non pas de manière associative par un collectif d’acteurs corporatifs ou autres, mais qui doit être résolu par les autorités politiques et déboucher sur une politique publique ». À cette phase, les experts estiment qu’il est nécessaire de « thématiser ces problèmes comme des problèmes politiques ou en tout cas pas comme des thèmes politiques prioritaires ».
L’un des plus grands obstacles rencontré à ce stade est que « souvent, le pouvoir politique, s’il n’entrevoit pas une solution simple, facile et immédiate, il va préférer évacuer de l’agenda un problème plutôt que de vouloir le traiter. C’est ce que l’on appelle notamment des ‘’ non-mises à l’agenda ‘’ ou des ‘’ non-décisions ‘’ ».
Toutefois, après toutes ces démarches, rien ne garantit qu’à la phase suivante, celle de la formulation d’une politique publique qu’il y aura effectivement une solution trouvée au problème, qu’il y aura effectivement des actions menées par l’État. D’où la complexité des politiques publiques.
Graham G. HENRY