
Dans le milieu rural haïtien, un mot reste un mot. L’honneur y est attaché et défendu. Pas besoin de tribunal ni de lois écrites. Les transactions commerciales et autres se réalisent sur la base de l’honneur. Ça dure depuis la nuit des temps et cela ne semble pas prêt de changer. C’est toute la vie en communauté qui se joue. Pour un citoyen rural, un homme, c’est sa parole.
On est à Pilate. L’air jovial et satisfait, Oréon et Verdilien se serrent très fort la main. Le premier vient de recevoir sa première portée de bœuf suite à une entente verbale avec le second. L’un est propriétaire et l’autre éleveur et gardien de bétail.
Si pour les grandes villes, une transaction passe nécessairement par un contrat formel, au niveau des provinces, un simple échange verbal suffit pour aboutir à un accord commercial. Le professeur et homme de campagne évoluant dans le nord, Jeanot Camil, habitué avec ce genre de contrat, fait la lumière sur ce processus basé sur la confiance mutuelle entre les protagonistes et qui dans un sens plus large, contribue au mieux être collectif.
En effet, les activités impliquant le mot d’honneur ne fait pas défaut dans les provinces, Jeanot Camil, nous présente les trois principales activités où l’on rencontre le plus fréquemment des accords verbaux basés sur le respect de la parole donnée dans sa localité, à Pilate.
L’élevage
Si on cherche un moyen d’illustrer ce phénomène, l’élevage de Bauvin est très certainement l’un des exemples les plus criants. Cette pratique engage deux acteurs, le propriétaire qui dispose de la bête et l’éleveur qui lui va s’assurer de son engraissement.
Dans ce contrat verbal, M. Camil nous révèle que, l’éleveur perçoit le plus souvent une rémunération en nature. En d’autres termes, le propriétaire le remercie en lui attribuant une portée. L’éleveur qui devient à son tour propriétaire va assurer le renouvellement du cycle. De même que l’élevage, pareils échanges peuvent s’effectuer dans le secteur agricole.
L’agriculture
« Cette situation survient le plus souvent lorsque le propriétaire désire exploiter son terrain mais ne peut pas le faire directement. Il va donc laisser la gestion de ses terres à une personne de confiance afin de l’exploiter à son tour », explique M. Camil
Le travailleur qui devient immédiatement responsable de la plantation et des récoltes, devra expédier une partie de celle-ci au détenteur du terrain et garder un pourcentage en contrepartie pour le travail fourni, poursuit-il. Bien que cette pratique soit utile aux personnes vivant dans les villes et apossédant des terres en province, elle ne demeure pas la plus importante, soutien M Camil.
Location
Un contrat impliquant le mot d’honneur peut aussi exister à travers un contrat de bail, de même qu’un prioritaire terrien, un propriétaire de maison peut aussi confier l’administration de son bien à un tiers qui lui sera chargé de faire l’intermédiation entre le locataire et le locateur.
Cet aspect, M. Camil l’illustre à partir de son expérience personnelle. « J’ai l’habitude de gérer des contrats de location pour des personnes ne pouvant pas le faire en présentiel. Dans ce cas je m’occupe de toutes les démarches relatives au contrat et quand l’argent du bail est collecté, je l’envoie directement au propriétaire », se félicite-t-il.
L’importance de cette pratique réside dans la capacité qu’elle a pour permettre au propriétaire de bénéficier des avantages de son bien mais aussi pour permettre au mandataire de pouvoir lui-aussi à travers cette activité, compter sur une valeur ajoutée à partir du bien d’autrui.
Le fondement de la vie en communauté
La parole d’honneur est le fondement de la vie communautaire dans le milieu rural haïtien. Il s’ajoute à la confiance que se font marchands et acheteurs totalement inconnus dans les échanges commerciaux en milieu urbain. Le mot d’honneur est caractéristique de l’âme haïtienne et de sa culture. La pratique du mot d’honneur basé sur la confiance s’acquiert de génération en génération.
Marc Igor ALEXANDRE