À quand la restitution de la Navase ?

Partie intégrante de Saint-Domingue depuis la première constitution de l’Ile en 1801 avec Toussaint Louverture, l’île de la Navase échappe au contrôle haïtien depuis un demi-siècle après la proclamation de l’indépendance haïtienne. Les États-Unis en ont pris possession par l’adoption d’une loi extraterritoriale ” Guano act”  adoptée par le congrès américain le 18 aout 1856. Une situation qui ne cesse d’agiter le débat et est mal vue par les Haïtiens qui dénoncent une atteinte grave à la souveraineté de leur territoire.

En juillet 1857, l’aventurier américain Peter Ducan débarqua sur l’ile de la Navase où il a découvert du guano évalué à un millions de tonne à  raison de 40 dollars par tonne, a expliqué l’historien Wien W. Arthus. Pour faire face aux problèmes d’engrais dont souffrait l’agriculture américaine à l’époque,le gouvernement américain faisait du « guano » une ressource stratégique pour leur pays en adoptant le « guano act », une telle loi prétendant que « Toute ile inhabitée contenant du guano est placée sous la souveraineté américaine »

Possession haïtienne depuis avant l’indépendance

 La Navase est une île avec une étendue de 18 km2, situé à la côte sud d’Haïti, à 40km au sud-ouest de Jérémie et à 166 km des États-Unis. Elle a été découverte par Christophe Colomb en même tant que la Jamaïque selon certains historiens.

L’île est incluse, juridiquement, dans la constitution de Saint-Domingue de 1801, en son article premier qui stipule : « Saint-Domingue dans toute son étendue, et Samana, la Tortue, la Gonâve, les Cayemites, l’Ile-à-Vaches, la Saône et autres îles adjacentes, forment le territoire d’une seule colonie, qui fait partie de l’Empire français, mais qui est soumis à des lois particulières. »

En outre, Wien W. Arthus écrit que« la révolution qui a changé le statut de la colonie française de Saint-Domingue, en 1804, a fait passer automatiquement cet ilot de la propriété de la France à celle d’Haïti ».

Simon Bolivar, venu en décembre 1815, à la recherche du soutien des autorités haïtiennes, fut grandement surpris par la beauté naturelle de l’ile.

Tentative de récupération

Apres avoir été informé de l’exploitation illégale de l’Ile par une compagnie américaine, l’Empereur Faustin Soulouque a envoyé en 1858 une expédition militaire composée de 400 hommes dans le but de faire face à la compagnie américaine qui exploita illégalement  le guano sur l’ile. « Le drapeau haïtien a été officiellement hissé à La Navase ».

En réaction, le gouvernement américain a envoyé  une force de l’armée pour sécuriser les travaux de la compagnie et une marine américaine à la rade Port-au-Prince pour que l’État haïtien fasse marche arrière.

En 1870, le président haïtien Nissage Saget a mené une bataille diplomatique pour la reconnaissance de la souveraineté d’Haïti sur l’ile. Elle  a échoué en raison du prétexte évoqué par les États-Unis  que « Jusqu’en 1857, l’ile n’a jamais été habitée par les Espagnols, les Français ainsi que les Haïtiens».

Pendant la période de l’occupation américaine de la République d’Haïti allant de 1915 à 1934, les Américains ont profité pour installer leur garde-côte et ignoré l’ilot comme la partie intégrante d’Haïti dans la Constitution de 1918 imposée par le président américain, Theodore Roosevelt.

Situation actuelle de l’Ile

 À la suite du chambardement du régime dictatorial en 1986 pour instaurer un régime démocratique, une nouvelle constitution est adoptée en mars 1987. En vigueur jusqu’à aujourd’hui, elle reconnait formellement l’ile comme étant une partie du territoire haïtien. « Le territoire de la République d’Haïti comprend: a) La partie Occidentale de l’Ile d’Haïti ainsi que les Iles adjacentes: la Gonâve, La Tortue, l’Ile à Vache, les Cayemittes, La Navase, La Grande Caye et les autres iles de la Mer Territoriale; Il est limité à l’Est par la République Dominicaine, au Nord par l’Océan Atlantique, au Sud et à l’Ouest par la mer des Caraïbes ou mer des Antilles»,  stipule l’article 8.

Ce n’est qu’en 1998, que l’affaire a eu un fort retentissement lorsque l’ancien ministre des Affaires étrangères haïtien, Fritz Longchamp avait pris le contre-pied de la déclaration de l’ambassadeur américain, Thimothy Michael Carney prétendant placer l’Ile sous la souveraineté des États-Unis, retrace l’historien W. Arthus.

Le « guano » désigne l’amas des déjections des chauves-souris et des oiseaux marins. Une matière très riche en nitrates, ce qui fait d’elle un engrais naturel extrêmement efficace qui fait pousser les plantes plus rapidement. Très concentré en azote et en phosphore, il apporte par ailleurs de nombreux oligoéléments aux plantes.

Christophane J. DORVIL

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