
De gauche à droite: Jean Jacques Dessalines, Sylvain Salnave, Vibrun G. Sam, C. Leconte et Jovemel Moïse.
Du père de la nation, Jean-Jacques Dessalines au feu président Jovenel Moise, la République d’Haïti compte déjà 5 présidents tués au pouvoir de son Indépendance en 1803 à nos jours. Tous, ils sont nés dans le Nord du pays et ont connu une mort violente, conséquence de lutte de pouvoir et/ou d’intérêts économiques.
Les funérailles nationales du président Jovenel Moïse, assassiné le 7 juillet dernier, sont chantées au Cap-Haitien, dans la résidence privée de la famille Moïse à Village SOS, ce vendredi 23 juillet 2021. Le président est inhumé dans la tombe familiale à Madeline aux côtés de son père, Etienne Moïse, décédé l’année dernière. Cet assassinat fait passer à 5 le nombre de présidents haïtiens tués au pouvoir de 1804 à 2021.
En effet, le 58e président du pays n’est pas le premier à être tué au pouvoir. Quatre autres l’ont été avant lui. La mort de certains d’entre eux a même eu de graves conséquences sur le pays. Ce sont, Jean-Jacques Dessalines (1 janvier 1804-17 octobre 1806), Sylvain Salnave (14 juin 1867 – 15 janvier 1870), Cincinnatus Leconte (14 août 1911 – 8 août 1912), Vilbrun Guillaume Sam ( 9 mars 1915 – 28 juillet 1915).
Le patricide de Jean-Jacques Dessalines
Le 17 octobre 1806, l’empereur Jean-Jacques Dessalines, père fondateur de la nation haïtienne, né le 20 septembre 1758, est assassiné au Pont rouge, à la suite d’un complot organisé par certains de ses généraux. Il est le premier dirigeant d’Haïti, et a gouverné le pays de 1804 à 1806.
À sa mort, le pays s’était divisé en deux de 1807 à 1820, avant de se réunir à nouveau en 1820 sous la présidence de Jean-Pierre Boyer. Le Roi Henri Christophe régna sur les départements du Nord, du Nord- Ouest, de l’Artibonite, du Centre et du Nord-Est. Alexandre Pétion gouverna les parties de l’Ouest et du Sud en président constitutionnel.
Après avoir consulté plusieurs historiens, le médiateur social et culturel de l’Organisation de Gestion de la Destination du Nord d’Haïti, Yvon Charles, a avancé les 7 causes de l’assassinat de Dessalines :
- La politique de justice sociale qu’il a prônée allait à l’encontre des desiderata des anciens libres qui voulaient s’accaparer des 2/3 des terres cultivables. Pour Dessalines les noirs devraient aussi avoir leur part. Joignant la parole aux actes, l’empereur a arrêté tout un train de mesures qui n’ont pas manqué de lui faire des ennemis acharnés.
- La nationalisation des terres qu’il a décidée et qui a fait de l’État le seul vrai propriétaire terrien provoqua la grogne de toutes les couches sociales.
- La vérification des titres de propriété qu’il a décrétée a permis à l’État haïtien de déposséder plusieurs anciens libres de terres dont ils se disaient propriétaires. Ces derniers sont devenus les principaux instigateurs du complot contre Dessalines.
- Le contrôle direct et strict qu’exerçait Dessalines sur le commerce extérieur lui valut aussi des ennemis haïtiens et étrangers qui se liguèrent aussi contre lui.
- Son refus de créer une noblesse lui attira l’animosité de la plupart de ses principaux généraux, qui, avides de pouvoir et de privilèges, n’hésitèrent pas à se joindre aux conspirateurs.
- Le caporalisme agraire, qu’il a instauré et qui soumet les cultivateurs noirs à des règlements de culture très drastiques a suscité le mécontentement général.
- Le choix de son fils aîné, Jacques Dessalines, comme son successeur désigné a poussé certains généraux du Nord dont Christophe dans le camp des conjurateurs.
Sylvain Salnave exécuté sur les ruines du palais national
Décrit comme un anti-bourgeois par les manuels d’histoire haïtiens, Sylvain Salnave est le 14e président d’Haïti. Il a dirigé le pays de 14 juin 1867 au 19 décembre 1869, après avoir organisé des insurrections qui ont renversé le président Fabre Geffrard.
En 1868, menée par les rivaux de Salnave, parmi lesquels Nissage Saget, la rébellion se poursuit (celle qui avait renversé Geffrard), elle s’étend au Nord et au Sud de l’île. Salnave tente d’écraser l’insurrection mais doit reculer avant de se retrancher à Port-au-Prince. Les rebelles assiègent la ville puis la bombardent. Salnave fait incendier le palais présidentiel. Le 19 décembre 1869, Salnave réussit à s’échapper avec un bataillon de mille hommes en direction de Pétionville. Il décide ensuite de gagner la République dominicaine pour obtenir l’aide du président Buenaventura Báez.
Capturé par le général dominicain, Cabral, le 10 janvier 1870 et livré à Nissage Saget. De retour à Port-au-Prince, Salnave est jugé par une cour martiale pour massacres et trahison, puis condamné à mort. Il est exécuté le 15 janvier 1870, sur les ruines du Palais national.
Enterré au cimetière des Fusillés à la Saline. “Au début de son gouvernement le président Salomon ordonna l’exhumation des restes de Salnave et les fit transporter, avec les honneurs militaires, au Cap-Haitien où ils furent déposés dans un caveau sur la Place d’Armes. Sous l’occupation américaine, ses restes furent transportés au cimetière de la ville.
Cincinnatus Leconte explosé avec son palais présidentiel
Cincinnatus Leconte, de son vrai nom Jean-Jacques Dessalines Michel Cincinnatus Leconte, est devenu président d’Haïti, le 15 Août 1911 jusqu’à sa mort survenue le 8 août 1912.
Après s’être exilé à la Jamaïque en 1908 suite au renversement de Tirésias Simon Sam, Cincinnatus Leconte revient trois ans plus tard pour reprendre ses droits de citoyen avec l’aide des Cacos. À la tête d’une large force militaire, il lance de la ville de Ouanaminthe une attaque contre les forces gouvernementales. Bientôt, il est reçu à Port-au-Prince par un accueil triomphant. Antoine Simon est destitué et Michel Cincinnatus Leconte devient le 19ème président de la République d’Haïti, le 15 août 1911. Il est élu à l’unanimité par un congrès haitien qui le gratifie d’un mandat de sept (7) ans.
Le 8 août 1912, après seulement 11 mois et quelques jours au pouvoir, une violente explosion détruit le palais national et le président Leconte y perd la vie. Avec lui, plus d’une centaine de ses soldats proches périront.
Vilbrun Guillaume Sam lynché par la furie populaire
Fils du président Tirésias Simon Sam, Vilbrun Guillaume Sam accède à la présidence d’Haiti le 4 mars 1915. Le 28 juillet 1915, il est assassiné par une foule en colère après avoir ordonné le jour précédant, au général Charles Oscar ÉTIENNE de massacrer plus de 160 prisonniers politiques au Pénitencier national, dont l’ancien président Oreste Zamor.
Après l’assassinat de Vilbrun Guillaume Sam. Le président américain de l’époque, Woodrow Wilson, a envoyé des troupes en Haïti, pour, prétend-il, « rétablir l’ordre » et « maintenir la stabilité politique et économique dans les Caraïbes », raisons officielles avancées. Les troupes américaines débarquèrent le jour même, 28 juillet 1915, et continuèrent d’occuper le pays pendant dix-neuf ans, jusqu’en août 1934.
Graham G. HENRY