
Présente hier pour ouvrir la voie de la liberté, présente aujourd’hui pour marquer le souvenir du crime le plus odieux contre l’humanité, le 23 août rappelle aux générations actuelles et à celles de demain le souvenir de la traite négrière. Rappeler comment des êtres humains ont été arrachés de leurs familles et de leur terre, chosifiés, vendus et transportés à mille lieux comme des bêtes dans des cales de bateau pour être réduits à l’esclavage. Depuis 23 ans, l’UNESCO a consacré cette date comme la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition.
« L’esclave est donc réduit comme la propriété privée du maitre. »
Article 44, Code noir rédigé Jean Baptiste Colbert,
Conseiller-ministre de Napoléon Bonaparte
L’insurrection générale des esclaves
Dans la nuit du 22 au 23 août 1791, des centaines d’esclaves à Plaine du Nord dans la colonie française de Saint-Domingue se sont soulevés contre leurs maitres français blancs pour briser les chaînes de l’esclavage et recouvrer leur liberté et leur dignité d’hommes. Sans savoir qu’ils allaient réaliser, ce jour-là, la plus grande insurrection contre le système colonial esclavagiste et raciste connue dans l’histoire de l’humanité.
Cette révolte allait même déboucher sur leur Indépendance le 1er janvier 1804 après la défaite, à Vertières le 18 novembre 1803 au Cap-Haïtien, de la plus grande armée expéditionnaire de l’époque, l’armée de Napoléon Bonaparte. La légende va jusqu’à raconter que le commandant des troupes françaises lors de cette fameuse bataille, le général Rochambeau a pris le temps de saluer le courage et la bravoure des ces « Bossales » arrachés d’Afrique, désignés dérisoirement les « va-nu-pieds».
Pour le chercheur-sociologue du CNRS Laënnec Hurbon, les « Bossales » ont mené la première véritable révolution pour la défense des droits de l’Homme. L’Homme non pas seulement occidental tel que conçu par la philosophie des Lumières au XVIIIe siècle et défini dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen proclamée le 26 août 1789 par les Français avec le vote majoritaire de l’Assemblée constituante.
Laënnec Hurbon affirme que ces Bossales défendaient les droits de l’Homme sans distinction de couleur, de race ni de religion, l’Homme tel que perçu et défini aujourd’hui par la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 10 décembre 1948.
Les étincelles de leur révolte ont été allumées par le congrès des esclaves connu sous le nom de Cérémonie du Bois Caïman le 14 août 1791 dirigée par leur chef spirituel Dutty Boukman, un esclave qui savait lire et écrire, que l’histoire campe comme un imam.
Cette Cérémonie du Bois Caïman est considérée comme l’acte fondateur de la révolution des Noirs de Saint-Domingue rebaptisée la République d’Haïti après la proclamation de l’indépendance par le Père de la Nation, le général Jean-Jacques Dessalines, second dans l’armée indigène de Toussaint Louverture, connu comme le Précurseur de l’Indépendance haïtienne, mort le 7 avril 1803 au Fort de Joux dans le Jura en France, après avoir été piégé et trahi par les Français. Bois Caïman est une localité de Morne-Rouge, située à quelques kilomètres du centre-ville du Cap-Haitien appelé Cap-Français au temps colonial.
Situation des esclaves
Les esclaves de Saint-Domingue, colonie la plus prospère et pilier de l’économie de la Métropole française d’alors qui la considérait comme la Perle des Antilles, suaient de sang et de sueur dans les champs de canne à sucre, sous le fouet des commandeurs. « Biens meubles » (Art. 44-Code noir), « sans droit de propriété » (Art. 28), ils vivaient sans droit de pratiquer leur religion ni de se marier si ce n’est dans la religion du maitre, le catholicisme. Leurs maitres avaient, donc, droit de vie et de mort sur eux.
Pour les faire accepter leurs conditions de traitement, ces derniers les aliénaient en leur faisant croire qu’ils sont nés pour servir les blancs et qu’ils iront au paradis seulement s’ils servent bien leurs maitres.
Les missionnaires catholiques, chargés de la conversion des esclaves à la religion de leurs maitres, réalisaient ce travail d’aliénation des esprits des esclaves noirs pour le système colonial esclavagiste.
L’écrivain Benoit Joachim dans son livre « Les racines du sous-développement en Haïti », a rapporté que : « Arrachés de leur continent par les écumeurs, enchainés à fond de cale avec un mètre cube et demi d’air par individu et soumis à huit mois ou plus de transport transatlantique dans ces conditions, les esclaves sont vendus au colon d’Amérique comme une bête de somme.»
« Le nègre sera intégré à la propriété coloniale au même titre que le sol, le moulin ou l’âne, comme une chose », a-t-il précisé en décrivant le statut du nègre africain.

Consacrée par l’UNESCO
Depuis 1998, l’’Organisation des Nations-unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a consacré « le 23 août : Journée internationale du souvenir de la Traite négrière et de son abolition ». Ce, en raison du soulèvement général des esclaves dans la colonie de Saint-Domingue (ancien nom de l’Ile d’Haïti), dans la nuit du 22 et 23 août1791.
« La Journée vise à inscrire la tragédie de la Traite négrière dans la mémoire de tous les peuples.», a indiqué l’UNESCO.
« Conformément aux objectifs du projet interculturel “La Route de l’esclave”, elle doit être l’occasion d’une réflexion commune sur les causes historiques, les modalités et les conséquences de cette tragédie », a-t-elle poursuivi.
La première Journée internationale du souvenir de la Traite négrière et de son abolition a été organisée pour la première fois, le 23 août 1998 en Haïti par l’UNESCO. Il y a été tenu des manifestations culturelles et des débats sur la traite négrière. La circulaire CL/3494 du 29 juillet 1998 du directeur général de l’UNESCO adressé aux ministres de la culture, invite tous les États membres à organiser des manifestations le 23 août de chaque année.
Christophane J. DORVIL